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Entretien avec...


Robert Bancilhon
Lance Sportive Sétoise
Président de la Ligue Languedoc-Roussillon


Robert Bancilhon, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Robert Bancilhon. Marié. Deux enfants : une fille et un garçon jouteur qui est un petit champion pour commencer mais qui sera un grand champion dès qu’il prendra un peu de poids. Il a tous les ingrédients qu’il faut pour faire un grand champion mais il manque un peu de poids. Je suis conchyliculteur, j’ai l’habitude d’être sur l’eau donc c’est un peu pour ça que j’ai le pied-marin.

Comment êtes-vous venu aux joutes ?

Je suis venu aux joutes car dans mon quartier il y avait un dénommé Vincent Cianni, qui nous donnait l’amour des joutes, car c’était le plus grand champion que possédait la ville de Sète. Donc, cet homme m’a donné l’envie de jouter. Mon père était jouteur, mon grand-père était jouteur. On est tombé dans la marmite…

Comment se sont passés vos débuts dans les joutes ?

Je joutait pour la première fois au Quartier Haut. Et j’ai gagné le tournoi de Frontignan. C’était un tournoi de débutants car il n’existait ni espoirs, ni légers. Il y avait les lourds et les jeunes faisaient un avant-tournoi. Donc j’ai gagné ce tournoi.

Quel est votre meilleur souvenir ?

Mon meilleur souvenir, c’est le même que tous les jouteurs : c’est d’avoir gagné la Saint-Louis. C’est le plus joli tournoi, le plus grand tournoi. C’est vrai que pour les tournois qui se passent en dehors de la Saint-Louis, ce sont pratiquement les mêmes jouteurs qui participent mais les médias, les festivités donnent une autre ampleur aux joutes et je crois que la Saint-Louis restera la Saint-Louis.

Quel est votre plus mauvais souvenir ?

Le plus mauvais souvenir, c’est un tournoi où je me suis blessé – sept fractures – et ça m’a donné vraiment un mauvais souvenir. Mais l’année d’après, j’ai gagné ce même tournoi. C’était la nuitée de l’Avenir.

Quels ont été les trois meilleurs jouteurs que vous ayez connus ?

J’ai jouté pendant quarante ans donc j’ai vu des époques de jouteurs. Je me rappelle, je joutais très peu, voire même pas du tout à l’époque, il y avait Maradéi, Sabatier et Castaldo Mimi. Puis après, il y a eu l’époque de Pascal Agugliaro, Vincent Stento et Georges Baëza. Puis, il y a eut mon époque, c’est-à-dire Hubert Montels, Babar (Joseph Liguori) puisqu’il a jouté assez longtemps, Jean-Marie Nocca et les Frontignanais bien entendu, Claude et Alain Massias, Bonnecaze, Mauran et Mahu (Jacques Castillazuelo) qui ont été vraiment de grands jouteurs. Stéphane Abellan qui a fait une petite carrière de jouteur puisqu’il est parti travailler en déplacement à Paris. C’est dommage pour lui. Il y a eu Jacques Noguet qui a été un grand jouteur aussi. Il y a eu une pléiade de jouteurs sur la ville de Sète qui n’ont pas été les meilleurs jouteurs de la région mais qui ont été d’excellents jouteurs.

Quels sont les trois meilleurs jouteurs actuels ?

Dans les jouteurs actuels, Olivier Soula monte. Claude Massias reste toujours dans la course avec Betti, bien entendu, que j’avais oublié. Aurélien, c’est le nouveau jouteur sétois qui va primer dans les joutes languedociennes au cours des dix prochaines années. Il y a des jouteurs qui ont fait de bonnes saisons mais qui les ont eu courtes. Par exemples, je pense à Stéphan Baëza, qui vraiment aurait été un excellent jouteur, un grand jouteur mais il pratiquait un sport, le rugby, qui l’a blessé et ça l’a privé de joutes. C’est un garçon qui aurait facilement tout gagné s’il avait pu continuer à jouter.

Quel est le jouteur le plus franc sur la tintaine ?

Il n’y en a pas.

Et le plus râleur ?

Il y en a. C’est pas ce qui manque. Mais le plus râleur vous savez, c’est selon les tournois, les jurys, le lieu et la valeur du tournoi.

Quels sont les trois plus beaux tournois ?

Les miens. Les Saint-Louis. La Lance Sportive, puisque c’est mon club. Je l’ai gagné quatre fois, mon fils l’a gagné une fois. C’est assez rare que le père et le fils gagnent le même tournoi. A part les Montels, les Baëza, les Bancilhon, je crois pas qu’une autre famille l’ai fait. Si, Dédé Lubrano puisqu’il a gagné la Saint-Louis et son père aussi.

Quelles sont les trois villes les plus « joutes » ?

Les trois villes… Il y en a quatre même. C’est Sète, c’est Frontignan, c’est Mèze et c’est Agde. Vous savez, on dit « faire le grand chelem », c’est les sept sociétés : la Jeune Lance, le Pavois d’Or, la Lance Sportive, Mèze, Agde, Frontignan. Et puis après les autres, c’est des beaux tournois mais on peut pas considérer ça comme le grand chelem. Des garçons comme Cianni ou Mimi Sabatier ou des grands jouteurs n’ont pas gagné des tournois comme Balaruc, Palavas car ils n’existaient pas à cette époque-là.

Quel est le règlement qui vous agace ?

Il n’y a aucun règlement qui m’agace. Les règlements, on les fait en dépit du bons sens. Depuis quelques années, on cherche à embrouiller les joutes par des règlements qui ne tiennent pas debout. Plus on fera des règlements, plus on esquintera les joutes et je crois que si on pouvait supprimer des règlements ce serait mieux. Parce que les joutes c’est un sport, mais dans les joutes, il y a le vice, il y a la triche. Il n’y a pas un jouteur qui ne triche pas. Tout le monde accuse les autres mais personne se regarde dans une glace. Et la meilleure des façons de jouter, c’est de savoir la personne en face, le vice qu’elle a. Si on arrive à s’apercevoir que le jouteur a un petit coup à lui, il faut le contrer sur un autre système et c’est ça la beauté des joutes. C’est pas le tout de dire je fais 140 kg et 1m90 et personne ne me tombera dans l’eau, parce que personne pourra tricher. J’estime qu’un garçon qui fait 70 kg peut se permettre de tomber un jouteur de 140 kg mais par le vice. Pas par la force parce que c’est pas possible. C’est inimaginable qu’un petit de 70 kg tombe un autre de 140.

Quel règlement supprimeriez-vous ?

Tous. Joute libre.

Qu’aimez-vous dans les joutes ?

J’aime le folklore des joutes, les traditions des joutes. Il n’y a pas que le coup de lance qui est donné sur une tintaine. Il y a les défilés, il y a cette tenue en blanc qui est impeccable, qui est belle, qui est magnifique. Il y a cette camaraderie qui est dans les joutes. Il est vrai qu’il y a certaines personnes qui l’acceptent pas cette camaraderie mais faut pas croire, elle y est. Et vraiment, elle est intéressante parce que la 3e mi-temps des joutes, elle vaut n’importe quelle 3e mi-temps d’un autre sport, rugby, football… Il y a de l’amitié dans les joutes. Certaines personnes se font un plaisir de dire que les gens s’entendent pas mais ce n’est pas vrai.

Et qu’est-ce que vous n’aimez pas ?

J’aime tout dans les joutes. Je ne crois pas qu’il y ait quelque chose qui me déplaise dans les joutes. Il est sûr qu’on perd quelque part des petits trucs qu’on avait avant mais par contre on en gagne parce que quand je vois au niveau des rameurs, l’ambiance qu’il y a, la propreté qu’ils ont sur eux, c’est quelque chose qu’on n'avait pas avant et que par rapport à cette qualité de rameurs, les joutes s’en sentent gagnantes.

Comment voyez-vous l’avenir des joutes ?

Je vois l’avenir très bien parce qu’au niveau des licenciés, leur nombre a augmenté de 30% en 5 ans. Plus ça va, plus les joutes prennent de l’ampleur. Vous voyez en politique, sur chaque liste, il y a toujours des jouteurs, que ce soit à Mèze, à Agde, à Sète ou n’importe quel village où il y a des joutes. D’ailleurs même maintenant nous avons des maires puisque Didier Sauvaire est devenu Maire de Balaruc.

Qu’est-ce qui différencie les joutes d’aujourd’hui de celles d’hier ?

C’est surtout le physique, la morphologie des gens. C’est plus sportif qu’avant. C’est un peu comme le rugby. Avant les trois de devant, on appelait ça des bœufs, ils ne savaient que pousser maintenant ils courent le 100 mètres en 10 secondes et dans les joutes c’est pareil. Tous les gens qui sont champions sont des sportifs, de football, de rugby, de natation. Ils font un sport en dehors des joutes où ils mettent le corps en condition pour faire les joutes. Ce sont des sportifs à part entière maintenant.

Quel est votre souhait pour la saison à venir ?

J’espère que ça se passera bien. Qu’il y aura très peu de blessés parce que ça aussi c’est primordial. Il y a beaucoup de jouteurs qui abandonnent le plancher parce qu’ils se blessent. Il est vrai qu’il n’y a pas un sou dans les joutes, d’ailleurs Louis Nicollin qui est le Président de la Fédération a dit une fois à la télévision « le seul sport amateur, c’est les joutes. » alors nous on pense que de ne pas se faire mal dans les joutes, c’est primordial et puis que le meilleur gagne. Je crois qu’il y aura une belle saison ; qu’il y ait du beau temps, pas de pluie et puis en avant partout.

Que pensez-vous des joutes sur internet avec « joutes.com » ?

C’est un plus encore une fois. C’est quelque chose qui va marcher dans les années à venir. Donc on a commencé avec internet dans les joutes, j’espère qu’il y aura une continuité et que ce sera bien pour tout le monde.

Que pensez-vous du traitement des joutes dans la presse locale ?

C’est vrai que la presse locale des fois, bon, c’est selon les journalistes. Nous avons en ce moment Olivier Raynaud qui est un bon journaliste de Midi Libre, qui fait de bonnes pages sur la ville de Sète mais c’est vrai qu’au niveau régional, il manque un peu de joutes. Un peu comme la tauromachie qui a une page en région alors que nous sommes en local. Bon, ça manque un peu dans la région parce qu’au niveau tourisme, il y a beaucoup de gens qui viennent à Sète pour voir les joutes ; et ça fait travailler un peu tous les commerçants de la ville de Sète et des alentours bien entendu. Mais on ne donne peut-être pas aux joutes la place qu’elles devraient avoir. Mais enfin, on peut rien leur reprocher au Midi Libre et à la Marseillaise parce que, quand même, ils font un effort. Mais s’ils faisaient un effort supplémentaire, personne ne dirait rien.

(entretien réalisé le 8 avril 2002)