entretiens

Entretien avec...


Jean-Louis Montels
Société Nautique des Jouteurs Agathois


Jean-Louis Montels, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

27 ans. Ma passion : les joutes et le basket que je pratique aussi. Je suis agent municipal au service des sports. Je suis marié depuis une semaine et on va commander le petit.

Comment êtes-vous venu aux joutes ?

Je suis venu aux joutes par mon père à l’âge de sept ans. Déjà tout gamin, je voulais jouter. Mon père m’a dit : « Si tu veux jouter, il faut savoir nager. » Alors, il m’a attaché une corde autour de la taille et les bouées qui se dégonflaient. Il m’a jeté dans l’Hérault. Il m’a fait revenir, une fois, deux fois, trois fois. Il m’a dit : « Maintenant tu sais nager. » Je suis monté et j’ai jouté. Le premier tournoi, ce fut le tournoi de la Jeune Lance, à l’école de joutes. C’était le dernier tournoi de la saison. Je l’ai gagné. Si je me rappelle bien, c’était contre Diaz. J’ai fait le Championnat de France, et de là, c’est parti.

Qui vous a appris à jouter ?

J’ai appris tout seul. J’ai suivi mon père tout gamin. Mon père m’a appris, bien sûr, il a voulu mettre son petit truc. La première fois que j’ai été Champion de France en 88, il m’a dit : « Maintenant, tu es Champion de France, tu sais jouter. C’est à toi de t’améliorer. » Et comme je l’ai dit tout à l’heure : à tirer le bon du mauvais et pas se faire gonfler la tête.

Quel est votre meilleur souvenir ?

Il y en a beaucoup. Ma première victoire à Balaruc. Mes quatre titres de Champion de France. Chaque fois, c’était des joies. L’année 92 quand je suis Champion de France, Champion de Ligue et Vainqueur de la Coupe de France Juniors. Et que mon collègue Fabien Pugliano a fait les trois pareil mais en vice-champion. Cette année-là, c’était ou lui ou moi qui gagnait. Ça a été un duo toute la saison. Sinon des bons souvenirs, il y a la Saint-Louis en 99. Je la gagne le lundi, on se couche le mercredi. Tous les tournois, ça fait de bons souvenirs.

Quel est votre plus mauvais souvenir ?

Le plus mauvais souvenir, ça a été l’année de ma blessure au genou. A partir du 15 août, j’ai pas pu jouter. Des défaites à la con.

Quels ont été les trois meilleurs jouteurs que vous ayez connus ?

Déjà, il y a mon père parce que ça a été un des plus grands champions. Robert, les frères Massias, Bernard. Et après, il y a la nouvelle génération.

Quels sont les trois meilleurs jouteurs actuels ?

Claude Massias, c’est le cador. Aurélien, Thierry Lognos. A citer, il y a une quinzaine de types vraiment bons.

Et parmi les jeunes jouteurs ?

Il retiennent tous mon attention. Parce que lorsque je vois dimanche le jeune Ragioneri, à la première passe il me secoue. Tous ceux qui montent attirent l’attention, il faut s’en méfier parce que sur une passe tout peut arriver.

Quel jouteur est passé à côté d’un beau palmarès ?

Un qui n’a jamais achevé le palmarès, je l’avais cité quand j’ai gagné la Saint-Louis, c’est Roger Pugliano. Parce qu’il a gagné tous les tournois et qu’il n’a pas gagné la Saint-Louis. Pour un jouteur, la Saint-Louis, c’est la clôture de son championnat.

Quel est le jouteur le plus franc sur une tintaine ?

Le plus franc ? Il y en a. Claude Massias, Alain Massias. Tout ce qui est ancienne génération, c’est des jouteurs francs, des jouteurs purs. D’ailleurs, eux maintenant, ils arrêtent un peu de jouter parce qu’il y a cette nouvelle génération qui arrive avec beaucoup de vice, qui joute un peu bizarrement. Eux, ils se régalent de jouter de manière pure. La génération qui a cinq ans de plus que moi, tout ça, c’est des joutes pures, c’est un régal.

Et le plus râleur ?

Le plus râleur ? Je suis râleur. Il y a Noguet. Du moment qu’on perd, on est râleur.

Quels sont les trois plus beaux tournois ?

Du moment qu’on gagne, ils sont tous beaux. L’année dernière à Béziers, je me suis bien régalé. Parce qu’avec mon collègue Thierry, on a fait la finale tous les deux et ça a été de belles passes pendant tout le tournoi. Dans le journal, ça avait été marqué.

Quelles sont les trois villes les plus « joutes » ?

Je vais dire Frontignan, Agde et Sète. En ce moment, je pense que les titres se disputent là. Et Mèze aussi.

Quel est le règlement qui vous agace ?

Le règlement ? C’est les règlements qui cachent la triche. Comme quand on voulait faire sauter le rattrapage du pavois par la corde. C’est le règlement de la bague qui n’est pas accepté. C’est des règlement pour couvrir la triche, comme ne pas vouloir la caméra au jury. Et moi, je suis un jouteur franc et j’aime que le règlement soit bien appliqué, même si des fois c’est dur de juger. Mais s’il y avait une caméra, il y aurait moins d’erreurs, moins de jouteurs qui resteraient sur leur faim en tombant à l’eau et en se demandant pourquoi ils ont été éliminés.

Quel règlement supprimeriez-vous ou rajouteriez-vous ?

La caméra. Je rajouterai la caméra mais à une condition : que le jury soit bien protégé par des barrières. Et que le jury ne regarde pas toutes les passes à la caméra mais uniquement les passes litigieuses. Je pense que ça serait un gros plus.

Qu’aimez-vous dans les joutes ?

Tout. La préparation pour le tournoi, l’ambiance qu’il y a dans le tournoi, les commentateurs comme à la Saint-Louis avec Christian et Minal qui allument le public pour le mettre à bout, l’après-tournoi et la fête. Mais bon, je ne fais pas les joutes spécialement pour ça. Il n’y aurait pas ça, je les ferai quand même. Arrivé le mois de juin, on a envie de jouter. Déjà en janvier on commence à préparer le matériel. C’est dans les entrailles.

Et qu’est-ce que vous n’aimez pas ?

J’aime pas quand il y a le public qui allume le jouteur d’en face parce qu’il est d’une autre ville. Des gens qui ne reconnaissent pas une belle défaite. Des trucs comme ça. Par exemple, à la Saint-Louis l’année dernière, en passant devant le public on reçoit des crachats. Les joutes c’est une fête et je vois pas pourquoi on devrait se faire cracher dessus. Je n’aime pas ça, le public qui est trop chauvin.

Comment voyez-vous l’avenir des joutes ?

L’avenir des joutes, je le vois bien. Dans les dix ans à venir, je vois une joute qui risque de perdre en franchise. Je sens qu’il va y avoir du changement dans les joutes. Et qui sait, peut-être les joutes en piscine.

Qu’est-ce qui différencie les joutes d’aujourd’hui de celles d’hier ?

Hier, avec les jouteurs comme mon père, Robert et même avant, c’était une joute d’attente. Les hommes se quichaient un peu. Ils s’écrasaient mais ils ne se donnaient pas, ils ne se lançaient pas. Maintenant, c’est une joute de détente. Il y a beaucoup de jouteurs qui l’hiver font du rugby à haut niveau, du foot à haut niveau, de la musculation sans arrêt. C’est des athlètes. Ils se donnent, ils se lancent. Ils prennent 50 centimètres pour se donner. C’est la différence qu’il y a entre les joutes d’aujourd’hui et celles d’hier. Hier, c’était la joute d’attente. Il y avait le choc, c’était la force pure. Le gros, c’était un gros, il fallait le faire tomber. Maintenant, un type de 50 kg peut jeter un type de 160 kg.

Quel est votre souhait pour la saison à venir ?

Déjà, gagner mon tournoi. Je suis passé à côté pendant des années. Depuis 96 et la finale avec Bernard j’ai fait trois demi-finales et deux revanches. C’est le plus beau tournoi pour moi. Même si j’ai gagné la Saint-Louis, je la classe en second. Ce serait regagner la Saint-Louis et gagner les tournois que je n’ai jamais remporté, des tournois prestigieux.

Quel est l’événement marquant de la saison écoulée ?

Ça a été de perdre le championnat sur deux tournois. Ça a été la victoire de Béziers, un tournoi qui m’a toujours tourné le dos, où je n’avais jamais passé les revanches. Et là, je fais la finale avec mon collègue. Une saison où dans tous les tournois, il y avait un agathois qui finissait dans le carré. Ça aussi, ça montre qu’à la SNJA, on a des jeunes qui arrivent à monter, qui peuvent s’imposer.

Que pensez-vous des joutes sur internet avec « joutes.com » ?

Je ne suis pas encore abonné à internet. Je vais sur internet à la Maison des Joutes ou chez des collègues. Je pense que c’est bien parce que ça peut mettre au courant des gens qui ne peuvent pas venir aux tournois. Pour la Saint-Louis, il y a des gens qui ne peuvent pas venir. Il y a des photos sur internet. Les gens peuvent se mettre au courant . Et puis c’est des belles photos. Les interviews, les commentaires et puis le forum aussi, où il y a des jouteurs qui s’allument un petit peu. C’est bien mais il faut que ça reste dans ce milieu parce que je suis allé sur d’autres forums où ça parle plus d’autres choses que de joutes et ça gâche un petit peu le truc. Je pense que le site que vous avez vous, c’est bien parce que vous parlez de tout. De toutes les sociétés. C’est pas un site chauvin où on ne parle que de sa société. Internet comme ça, oui, ça fera du bien pour les joutes.

Que pensez-vous du traitement des joutes dans la presse locale ?

Ça par contre… Je vais citer la Marseillaise avec Colicchio. Colicchio, ça fait longtemps qu’il est dans les joutes. C’est un garçon qui est né dans les joutes. Donc, il connaît les joutes et ne dit pas n’importe quoi. Par contre, il y a d’autres journaux, des fois c’est des torchons. Désolé de dire ça mais ou bien c’est des articles trop chauvins ou alors on ne veux pas voir la vérité en face et on se cache le visage. Moi, ça me fout la rage. C’est pas du mensonge mais on ne veut pas dire ce qui s’est passé. En plus, c’est des gros journaux, il y a beaucoup de monde qui l’achète. Les gens disent après : « il s’est passé ça. » Quand on est concerné, ça énerve, il faut expliquer. Les gens répondent : « je ne savais pas que c’était comme ça, c’était pas marqué comme ça dans le journal. » Sinon des fois, il y a de très beaux articles et ça fait plaisir de les lire.

(entretien réalisé le 16 juin 2002)